samedi 16 février 2013

Les singes - Jacques Brel



Avant eux avant les culs pelés
La fleur, l’oiseau et nous étions en liberté
Mais ils sont arrivés et la fleur est en pot
Et l’oiseau est en cage et nous en numéro
Car ils ont inventé prisons et condamnés
Et casiers judiciaires et trous dans la serrure
Et les langues coupées des premières censures
Et c’est depuis lors qu’ils sont civilisés
Les singes, les singes, les singes de mon quartier (bis)

Avant eux, il n’y avait pas de problème
Quand poussaient les bananes même pendant le Carême
Mais ils sont arrivés bardés d’intolérance
Pour chasser en apôtres d’autres intolérances
Car ils ont inventé la chasse aux Albigeois
La chasse aux infidèles et la chasse à ceux-là
La chasse aux singes sages qui n’aiment pas chasser
Et c’est depuis lors qu’ils sont civilisés
Les singes, les singes, les singes de mon quartier

Avant eux l’homme était un prince
La femme une princesse, l’amour une province
Mais ils sont arrivés, le prince est un mendiant
La province se meurt, la princesse se vend
Car ils ont inventé l’amour qui est un péché
L’amour qui est une affaire, le marché aux pucelles
Le droit de courte-cuisse et les mères maquerelles
Et c’est depuis lors qu’ils sont civilisés
Les singes, les singes, les singes de mon quartier

Avant eux il y avait paix sur terre
Quand pour dix éléphants il n’y avait qu’un militaire
Mais ils sont arrivés et c’est à coups de bâton
Que la raison d’Etat a chassé la raison
Car ils ont inventé le fer à empaler
Et la chambre à gaz et la chaise électrique
Et la bombe au napalm et la bombe atomique
Et c’est depuis lors qu’ils sont civilisés
Les singes, les singes, les singes de mon quartier
Les singes de mon quartier.

                 Jacques Brel





Courte biographie de Jacques Brel :

Brel est né en Belgique en 1929.  Dans la chanson « Mon enfance », Brel écrira : « Mon enfance se passa de grisailles en silences, de fausses révérences en manque de batailles ». C’est donc une période de sa vie où il s’ennuie profondément. Jacques n’aime pas l’école, le français est la seule matière qui l’intéresse. Par contre, il s’investit avec bonheur dans le théâtre et le scoutisme.
 De 1947 à 1953, Brel travaille sans conviction dans l’entreprise de cartonnerie de son père. En 1950, il se marie avec Thérèse Michielsen, dont il aura trois enfants.


 Il commence à chanter en 1951 et écrit ses premières chansons en 1952, il a alors 23 ans. Il se produit en famille ou dans les cabarets de Bruxelles. En 1953, il déménage à Paris pour y tenter sa chance. Son premier succès sera « Quand on a que l’amour », en 1956. Dès lors sa carrière est  lancée, avec un premier passage à l’Olympia en 1958. Les succès se suivent : « Ne me quitte pas » en 1959, « Le plat pays » en 1962, « Amsterdam » en 1964, etc. Passionné d’aviation, il est très fier d’avoir obtenu son brevet de pilote privé en 1965. Les tournées s’enchaînent  à travers le monde à un rythme soutenu. En 1967, lassé, il fait ses adieux à la scène pour donner un nouveau sens à sa vie.


Il se lance alors dans le cinéma en tant qu’acteur. Son rôle le plus populaire est celui de « L’emmerdeur », où il donne la réplique à Lino Ventura. Plus tard, il se tournera  vers la réalisation (« Franz »  et « Le Far West »). Il traduit, puis interprète, une comédie musicale américaine : « L’homme de la Mancha ». Mais il continue également  à écrire des chansons et enregistre le disque « Vesoul » en 1968. En 1971, il rencontre sa nouvelle compagne sur un tournage. Maddly Bamy quitte tout pour le suivre en 1974. Elle le soutiendra  jusqu’à son décès.1


Tous deux partent en mer sur un voilier, l’Askoy, pour changer radicalement de vie : Angleterre, Açores, Madère, ìles Canaries.



Au cours de ce voyage, il est pris d’un malaise et on lui diagnostique un cancer du poumon. Il se fait opérer à Bruxelles, puis remonte sur son voilier pour traverser l’Atlantique. Nous sommes en 1975. Il s’installe alors sur l’île d’Hiva Oa dans l’archipel des Marquises. Ensuite, il s’achète un petit avion, le Jojo et s’adonne librement  à sa passion du vol.



Sa nouvelle vie lui inspire l’album « Les Marquises », qu’il enregistre en 1977. Malheureusement,  sa maladie se péjore inexorablement. Il décède en 1978. On l’ensevelit aux Marquises, près de la tombe de Gauguin.



Note :
1 : Maddly Bamy a écrit un témoignage sur sa vie en compagnie de Brel,  intitulé : « Tu leur diras », éd. Fixot.

La chanson :

Jacques Brel est l’auteur, compositeur et interprète de cette chanson, sortie en 1961.

Mon avis :

Le texte de Brel aborde des questionnements liés à la civilisation. Nos principes moraux ne nous enferment-ils pas dans d’innombrables carcans qui nous privent  finalement de liberté ? La civilisation est-elle  vraiment un bienfait pour l’homme ou met-elle en lumière sa face sombre ? Le véritable épanouissement ne se rencontre-t-il pas dans des bonheurs simples ? Et toujours la religion prétexte à toutes les intolérances…
Un texte engagé, qui a le mérite de nous inciter à la réflexion et qui n’a rien perdu de son actualité.
Malheureusement,  la musique n’est pas à la hauteur des paroles. Voilà certainement pourquoi ce titre est désormais tombé aux oubliettes. Ce texte est pourtant à l’image de cet homme de tempérament, au franc-parler légendaire, que le public a tant apprécié. Alors quel plaisir de le redécouvrir !

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