dimanche 13 mai 2012

Une voix indienne : Black Elk - Arlène Hirschfelder


Black Elk

Né près de la rivière Little Powder, dans le Wyoming, le Lakota- Oglala (1) Black Elk (Elan noir, 1863-1950) eut une vision à l’âge de neuf ans. Cela fit de lui un chaman renommé pour ses pouvoirs spirituels et de guérisseur. En 1931, il raconta sa vie au poète du Nebraska John C. Neihardt, en lui décrivant sa participation à la bataille contre Custer (2), la religion de la Ghost Dance (3) (danse des revenants) et le massacre de Wounded Knee (4). Il en est résulté l’un des livres majeurs sur la spiritualité amérindienne, « Black Elk Speaks » (Black Elk parle : biographie d’un saint homme chez les Sioux Oglalas), qui est devenu la référence des jeunes Indiens à la recherche de repères spirituels.
(Voir * en bas de texte)

« Vous avez remarqué que tout ce que fait un Indien est circulaire. C’est parce que la Force du monde agit toujours en cercle et que toute chose cherche à être ronde. Aux jours anciens, quand nous étions un peuple puissant et heureux, toute notre force nous venait du cercle sacré de la nation et, aussi longtemps que le cercle n’était pas brisé, le peuple prospérait. L’arbre en fleur était le centre vivant du cercle et, des quatre points cardinaux, le cercle le nourrissait. L’est donnait paix et lumière, le sud donnait la chaleur, l’ouest donnait la pluie et le nord, avec son vent froid et violent, donnait force et endurance. Cette connaissance nous est venue du monde extérieur, par l’intermédiaire de notre religion. Tout ce que fait la Force du monde est circulaire. Le ciel est rond, et j’ai entendu dire que la Terre est ronde comme une balle, de même que les étoiles. Le vent, dans sa plus grande force, tourbillonne. Les oiseaux font leur nid en cercle, parce que leur religion est la même que la nôtre. Le soleil se lève et se couche en décrivant un cercle. La lune aussi, et tous deux sont ronds. Même les saisons, dans leur changement, forment un grand cercle et reviennent  toujours où elles étaient. La vie de l’homme est un cercle…et il en est ainsi partout où la Force agit. Nos tipis étaient ronds comme les nids des oiseaux et ils ont toujours été plantés en rond : c’était le cercle de la nation, le nid fait de nombreux nids, où le Grand Esprit voulait que nous élevions nos enfants. »  

Citation de Black Elk en 1931, au sujet du cerce sacré de la Nation Indienne
Extrait du livre : « Histoire des Indiens d’Amérique du Nord » d’Arlène Hirschfelder, éd. Mondo. 



Le cercle de Tipis, cercle de la Nation
Lorsque les délégations de tribus appartenant à une nation telle que celles des Lakotas, des Cheyennes ou d'autres Indiens des plaines se réunissaient pour accomplir des cérémonies ou tenir conseil, les tipis étaient plantés en cercle, l'ouverture tournée vers l'est.



(1) Les Lakota-Oglala sont les membres d’une tribu du peuple Sioux. Ils vivent au Dakota du Sud.

(2) À 13 ans, Black Elk participa à la bataille de Little Bighorn. « La plus grande victoire des Indiens des plaines et l’un des pires désastres dans les annales de la cavalerie des Etats-Unis, (…) livrée le 25 juin 1876 sur les bords de la rivière du même nom, au Montana. Plusieurs tribus  y étaient installées pour chasser le bison, refusant de se laisser  enfermer dans des réserves. Parmi leurs chefs, on trouvait Sitting Bull et Crazy Horse. Le lieutenant- colonel George Armstrong Custer y a été tué, avec à peu près 200 de ses officiers et soldats, au cours de ce qu’on a appelé ``le dernier combat de Custer´´. Toutefois, si les Indiens y ont gagné une bataille, ils y ont perdu définitivement la guerre : la mort de Custer a tellement choqué les Américains qu’elle a entraîné sur les terres indiennes un déferlement de militaires lancés à la poursuite des Lakotas et des Cheyennes. Après leur victoire sur Custer, Sitting Bull et ses partisans se réfugièrent au Canada. Chaque année, certains retournaient aux Etats-Unis .En effet, les années passant, les bisons y devenaient de plus en plus rares et la famine faisait des ravages. Lorsque sa troupe fut réduite à moins de mille personnes, Sitting Bull s’en retourna lui aussi. En juillet 1881, il se constitua prisonnier. Crazy Horse et sa bande restèrent dans les montagnes de la Bighorn, en échappant constamment aux troupes envoyées pour faire cesser leur résistance.» (A.Hirschfelder)

Black Elk était le petit cousin de Crazy Horse.

Sitting Bull

Crazy Horse
(3) « La Ghost Dance apparut au Nevada vers 1888 à l’initiative de Wovoka, un prophète Paiute. Il prophétisait que, si les Indiens dansaient et chantaient certains chants jusqu’à se mettre en transe, les bisons  ainsi que les parents et amis décédés reviendraient, et les hommes blancs disparaîtraient. Après une visite en délégation à Wovoka, des chefs tribaux des plaines enseignèrent et diffusèrent la danse. À l’automne 1890, celle-ci commença à être pratiquée régulièrement en plusieurs endroits des réserves.

En même temps, l’extinction du bison, la sécheresse, la famine et la grippe décimaient les Lakotas vivant dans les réserves, tandis que que la prohibition des rites religieux traditionnels les démoralisait. On interdisait aux Indiens affamés de chasser, et les rations de survie avaient été diminuées de moitié, quand elles ne disparaissaient pas purement et simplement du fait de la corruption du Bureau des affaires indiennes. La Ghost Dance offrait un espoir.

En octobre  1890,  les Lakotas de Pine Ridge et de Rosebud défièrent les ``agents indiens´´ en dansant jusqu’à entrer dans des transes qui effrayèrent ces fonctionnaires. Mi-novembre, des Lakotas, habillés de chemises qu’ils croyaient à l’épreuve des balles, semèrent la panique parmi les colons blancs venus avec la ruée vers l’or. Craignant une insurrection, Daniel F.Royer, agent de Pine Ridge, demanda l’aide des militaires pour ramener l’ordre. Le gouvernement américain envoya plus de la moitié de l’armée des Etats-Unis dans les réserves. L’agence indienne envoya la police pour dissuader la danse, mais aucune menace ne les fit arrêter » (A. Hirschfelder). Ces évènements furent le prélude  au massacre de Wounded Knee (voir ****).

(4) Black Elk fut blessé le 29 décembre1890, lors du massacre de Wounded Knee .Cette opération militaire s’est déroulée au Dakota du Sud. Voici le déroulement tragique des évènements : « le 15 décembre, un incident déclencha une réaction en chaîne qui finit par le massacre de Wounded Knee. Sitting Bull fut assassiné devant sa cabane par des policiers indiens de la réserve de Standing Rock qui tentaient de l’arrêter sur ordre du gouvernement, en raison de sa pratique de la religion de la Ghost Dance. Des réfugiés du village de Sitting Bull rejoignirent Big Foot dans la réserve de Cheyenne River. Ignorant que Big Foot  avait renoncé à la Ghost Dance, le général Nelson A.Miles lui ordonna de conduire les siens vers un fort voisin. Le 28 décembre, gravement atteint de pneumonie, Big Foot partit chercher refuge auprès du chef Red Cloud dans la réserve de Pine Ridge. Un détachement du 7e de cavalerie, sous les ordres du commandant Samuel Whitside, intercepta sa bande et l’escorta jusqu’à Wounded Knie, où le colonel James Forsyth assumait le commandement.

Les troupes de Forsyth et les canons Hotchkiss
Le 29 décembre, on encercla le camp de Big Foot, et l’on mit des canons Hotchkiss en position sur les hauteurs, puis on informa les indiens qu’on allait les désarmer pour éviter les troubles.Le colonel Forsyth dit aux Indiens qu’ils seraient épargnés et qu’ils bénéficieraient d’une attitude amicale de la part des soldats s’ils livraient leurs armespour prévenir tout incident. La fouille du camp se solda par la saisie de hachettes, de casse-tête, de couteaux, de piquets de tente et de moins de 40 fusils, la plupart en mauvais état. La tension montant, une altercation s’éleva entre un soldat et un Indien, pendant laquelle des coups de feu éclatèrent. Des hommes de troupe épaulèrent, et quelques guerriers exhibèrent des armes dissimulées. Les soldats ouvrirent le feu. Les canons Hotchkiss déchiquetèrent les tipis et tuèrent quelque 300 hommes, femmes et enfants ». (A. Hirschfelder)

Les corps furent d’abord dépouillés, puis abandonnés dans le froid. « Le 1 et 2 janvier 1891, une équipe  de l’armée américaine transporta les corps gelés dans une fosse commune creusée au flanc de la colline d’où les canons avaient tiré.51 Lakotas, surtout des femmes et des enfants, furent blessés au cours du massacre. Quelques-uns survécurent au blizzard et furent retrouvés après plusieurs jours. Ce fut le dernier conflit armé significatif entre l’armée et les Indiens, et l’une des pires tragédies de l’histoire d’Amérique du Nord » (A.Hirschfelder).

L'auteur:

Arlène Hirschfelder
Arlène Hirschfelder est une spécialiste américaine reconnue des Amérindiens. Ce livre –documentaire retrace cinq siècles d’histoire, depuis les premières rencontres avec les Européens, jusqu’à l’époque contemporaine.

Je l’ai trouvé complet, très intéressant, avec une somme énorme d’illustrations, agrémenté d’anecdotes diverses et de témoignages qui nous ancrent dans une autre réalité. Cet ouvrage nous apprend  beaucoup de choses, d’autant plus que l’histoire des Amérindiens n’est que peu enseignée dans les écoles européennes. On sort de ce livre effrayé par la cruauté, l’intolérence et l’égoïsme arrogant des hommes, que l’on retrouve malheureusement à toutes les époques, ainsi qu’ aux quatre coins du monde…

J’ai choisi de vous proposer cette citation de Black Elk, car je l’ai trouvée très belle, toute en logique et en simplicité. Une phrase m’a beaucoup frappée : « les oiseaux font leur nid en cercle, parce que leur religion est la même que la nôtre ». Elle traduit le respect de tout un peuple pour la nature, qu’il perçoit comme une égale. Une belle leçon d’humilité pour nous tous.

L’omniprésence du cercle autour de nous est une notion très intéressante. Je n’ai jamais observé la nature sous cet angle : une feuille qui tombe de l’arbre, le vol d’une buse, la trace laissée au sol par une goutte d’eau, la forme d’un galet, etc…  Cette idée fait lien avec le symbolisme du cercle dans  différentes cultures. 

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