samedi 10 mars 2012

L’albatros - Charles Baudelaire


Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


Extrait du livre : « Les fleurs du mal. » de Charles Baudelaire




Le poète « maudit » à l’orgueil blessé trouve sa véritable patrie dans le ciel, et se sent proche de ces oiseaux de liberté, compagnons d’infortune, maltraités par des hommes brutaux et rustres. Dans ce poème, Baudelaire évoque sa propre condition, déchiré entre son aspiration de poète à l'élévation et le poids de sa condition humaine. Il est un être incompris, mal dans sa vie.

On dit qu’il aurait peut-être vécu cette scène lors de son voyage à la Réunion.

Beaucoup d’entre nous se sentent parfois en décalage, ballottés dans une société à laquelle il n’est pas toujours facile de s’identifier du fait de ses excès, de sa rudesse ou de ses incohérences…

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